Un petit point sur cette convalescence, un peu plus douloureuse et plus longue qu'espéré.
Pour ceux qui ne suivent que de loin mes (més)aventures, j'ai débarqué sur ce noble forum de rouleurs serviables il y a 2 ans, à la recherche de renseignements sur les Trek F600, puisque je venais d'en acheter un.
La bestiole devait me servir à sortir plus rapidement des gares - ce qui ne c'est jamais produit parce que j'ai renoncé à prendre le train - et je n'ai jamais non plus récolté la moindre information en français sur ces pliants Trek sortis entre 2006 et 2009 environ.
Loin d'être un revendeur compulsif, je suis plutôt collectionneur. Un Trek F400, plus civilisé, est venu satisfaire un temps mon épouse, avant que la chance ne me présente un second F600. Réfractaire aux mauvaises odeurs et aux salles de sport (ça va souvent de pair...), j'ai donc un F600 pour la maison, et un au bureau pour faire de l'exercice pendant la pause de midi, par beau temps.
La vie laisse des traces: trois accidents de moto qui blessent la même jambe (je suis parfois têtu...) ont vraisemblablement accéléré une propension génétique à l'arthrose. Avec l'âge arrive le temps des pièces de rechange, avec une première prothèse à la hanche gauche posée ce début d'année (j'en ai causé là: viewtopic.php?f=7&t=2240&p=23285#p23285 ). Les petites sorties tout au long de 2019 et les 3 dernières semaines de remise en forme aux Canaries avaient apporté du mieux, mais ça n'a pas suffit à faire de ma convalescence une promenade de santé.
En clair: j'ai morflé, et certains désagréments sont encore bien présents. Le fait d'être toujours couché sur le dos a réveillé une vieille hernie discale que je croyais avoir apprivoisée depuis 20 ans. Mauvaise pioche: je la contrôlais tant que je pouvais bouger, et là ce n'était plus possible. Médecins et infirmières revêches m'ont viré de l'hôpital comme un mal-propre, avec comme seul cadeau d'adieu une ordonnance qui m'obligeait à ne pas charger ma jambe gauche à plus de 20 kg pendant 6 semaines! Ensuite il a bien fallu que je me dém... "brouille".
En théorie, comme c'est ma 7 ou 8e opération depuis mon premier accident en 2002, je fais partie des privilégiés qui ont appris à gérer ce genre de difficultés.
Je suis imbattable pour soigner une cicatrice (je ne les compte plus) et je cicatrise très vite. Mais le reste fut un peu plus compliqué.
Les anti-douleurs? Ils mettent 50 minutes pour agir, sont efficaces pendant 3 quarts d'heure, et je n'ose en prendre que 4 par jour. Sachant qu'il y a en principe plus ou moins 24 heures par jour... J'ai appliqué l'adage qui veut que "s'il n'y a pas de solution, ce n'est pas un problème" et j'ai cessé d'en prendre après 3 jours. À choisir, entre souffrir 24 heures par jour ou 20 heures avec des effets secondaires, j'ai préféré me passer de poison.
À force de tourner en rond comme un ours en cage, avec mes béquilles, j'ai heureusement découvert que marcher avec les béquilles me permettait de bien décharger et détendre le dos. Je dormais par tranches d'une heure à une heure et demie, et les douleurs me réveillaient. Je faisais 25 fois le tour du salon, et j'allais re-dormir une heure.
Après 3 semaines de ce régime, à bout de forces, je me suis endormi un soir en position assise, sans avoir plus ni le temps ni la force de descendre la tête de lit. Mon dos en feu m'a réveillé comme toujours, mais après 5 heures de sommeil, ce qui était inespéré. Depuis, j'ai dormi en position assise, et j'ai commencé à reprendre du poil de la bête. Je suis allé chez mon kiné. Qui m'a enguirlandé "que j'aurais dû venir le voir plus tôt". Mais désolé bonhomme, je n'étais pas humainement en état de le faire.
J'ai repris le travail le 16 mars, directement à 100%. C'est l'inconvénient d'être un gratte-papier: les toubibs pensent que tu ne fais pas d'efforts. La position assise au bureau est pénible, et douloureuse en voiture avec les petits mouvements de caisse et l'impossibilité de soulager le dos avec les jambes. Le 23, j'essayais d'aller bosser à moto, avec les béquilles sanglées derrière sous le top-case. Le lendemain également (ma femme avait besoin de la voiture), pour conclure que faire les trajets à moto (31 km par trajet) faisaient aussi maloku... "réveillaient le syndrome du piriforme" (pardon!) autant qu'en voiture...
Mon kiné réussissait plus ou moins à récupérer la situation, et me disait de persévérer. Fin mars, j'arrive presque à me passer de béquilles, j'essaye de m'asseoir sur un de mes p'tits vélos. Simplement dans le couloir de la cave, je ne tente même pas une sortie. Mon piriforme désapprouve...
Je m'acharne, j'essaye le lendemain un de mes vieux vélos militaires suisses. Le cadre est pénible à enjamber, mais la selle en cuir, dans le style des Brooks, est magique et ne fait jamais mal. Je me contrefous de notre "semi-confinement volontaire et non contraignant" et me rends chez un pote à 800 mètres. Je n'en ferai pas plus. Début avril, je passe à 2 km. Puis 5. Toujours avec ce vélo militaire. Puis 10 km avant Pâques. Et on monte à 15 km, de route bien plate, aller tourner au bled suivant et revenir...
Début mai, je suspends les 24 kg du vélo militaire à son crochet et les Trek F600 reprennent du service. Comme toujours: un pour la maison, un au bureau. Sur le plat, les 9 vitesses et les 12 kg de mes pliants autorisent une vitesse de déplacement moyenne supérieure de 3 km/h à celle du vélo militaire.
Jeudi dernier 7 mai, la météo aidant, je tente mon petit tour habituel de 10 km autour du bureau, pendant la pause midi. J'avais commencé en mai 2019 et j'avais fait ce circuit une soixantaines de fois en une trentaine de semaines. Au début, je mettais 37 minutes pour faire le tour, en moulinant juste pour faire tourner les jambes, sans forcer. À la fin, un peu plus en mode cardio, je bouclais mon tour en 26 minutes.
Bonne surprise pour cette reprise: je tourne en 28 min. et 30 sec. Je remets ça le lendemain, dans l'autre sens, et re 28'30". Le cœur pourrait en faire un peu plus mais les jambes ne suivent pas. Pas encore.
Le contact avec la selle n'est pas totalement indolore, mais je décide de la traiter par le mépris: ça ne sert à rien de discuter avec une selle.
Samedi, je pousse jusqu'à la Neuveville. 15 km pénibles contre le vent à l'aller, mais un plaisir avec le vent dans le dos au retour. 20 km/h de moyenne à l'aller et 27 au retour! Je retrouve des sensations oubliées. Mon genou aussi hélas, qui se met à l'unisson du piriforme pour manifester sa réprobation. J'applique la même tactique qu'avec la selle: ça ne sert à rien non plus de discuter avec un genou...
Quitte à morfler, je sais qu'il vaut mieux continuer sur sa lancée, solliciter le genou et le faire tourner, plutôt que d'être trop à l'écoute de ses petits bobos. Je repars le dimanche, encore un peu plus loin. Ma balade de référence, celle que j'avais mis trois mois à pouvoir faire l'an dernier, c'est le tour du lac de Bienne. Ça représente une quarantaine de km dont 5 ou 6 de chemins non goudronnés rive sud.
Je m'octroie une longue pause à mi-parcours au Landeron, puis je m'offre les 22 km de retour d'une traite, en à peine plus d'une heure. Le piriforme apprécie modérément les chemins de terre, mais c'est ça ou rentrer à pied. Il y a sur le parcours une petite montée bien raide entre le port de Taüffelen et le restaurant "Seepintli", je l'avalerai pour la première fois sans descendre de vélo. On dirait que la forme revient. Un peu...
Je suis parfois stupide et souvent têtu, mais pas encore entièrement masochiste: je force le week-end, je laisse désenfler le lundi et je vais chez mon kiné le mardi. Il a fait ce qu'il pouvait, ses mains de magicien ont défait les nœuds de mon piriforme pendant une demi-heure.
La météo est plutôt optimiste pour le prochain week-end, ça veut dire que je vais encore en ch... Mais à partir d'un certain âge, avec une bonne expérience de la vie, passé un certain seuil de douleurs, ça signifie que tu es vivant et que tu n'as pas le droit de te plaindre...
Amitiés,
À+,
le Jef-tout-le-monde-ne-peut-pas-comprendre....
